LES BLASONS ET DRAPEAUX BRETONS

blason leon

Les vicomtes de Léon ont porté depuis une date indéterminée et ancienne, « d’or au lion de sable », un lion noir sur fond jaune.

Le comté de Léon a existé depuis au moins le milieu du XIe siècle. Suite à la rébellion contre le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, le comté de Léon est démantelé en 1179. Guymarc’h V de Léon reçoit la partie nord et le titre de vicomte. Hervé Ier de Léon reçoit la partie sud et le titre de seigneur de Léon. Le château fort des vicomtes de Léon se trouve à Lesneven au centre du Léon, alors que celui des seigneurs de Léon se trouve à La Roche-Maurice près de Landerneau En 1276, après avoir dilapidé sa fortune, le vicomte Hervé IV de Léon doit vendre tous ses biens. Quant à la branche cadette, elle va prospérer pendant 8 générations. Hervé VIII, dernier seigneur de Léon, meurt sans postérité en 1363 et la seigneurie de Léon se fond dans la maison de Rohan. Dans la partie nord du Léon, la disparition de la vicomté Léon en 1276 va permettre à trois grandes familles d’émerger, à l’ouest au bord de la mer, les du Chastel qui ont leur château fort à Landunvez, au centre les Kermavan ou Carman qui ont leur château fort à Kernilis, puis leur château à Plounévez-Lochrist près de Lesneven, à l’est les Penhoat qui ont leur château fort à Saint-Thégonnec près de Morlaix.

Une mention du blason de Léon dans la Chanson d’Aiquin

Probablement rédigée par un moine de Dol entre 1170 et 1210, la Chanson d’Aiquin ou la conquête de la Bretagne par le roi Charlemagne, évoque la présence de normands et de leur roi Aiquin dans la région d’Alet (Saint-Malo). On y voit Charlemagne arrivant d’Avranches, faire une oraison au Mont-Saint-Michel puis visiter le tombeau de saint Samson à Dol (vers n°14-52). Plusieurs seigneurs bretons y sont mentionnés. Trois mentions d’armoiries sont formellement attribuables à des seigneurs bretons, Ripé marquis de Dol (vers n°473), Thehart de Rennes (vers n°68-69) et le comte de Léon (vers n°741-742).

« Et dom Conayn de Leon le sené,
Qui en son escu porte un leon doré,

qu’on peut traduire par Conan de Léon, le sage qui porte un écu au lion doré.

Un lion morné

L’adjectif morné signifie que le lion est dépourvu de langue et de griffe. Le lion est effectivement morné sur plusieurs documents médiévaux, le sceau d’Hervé IV de Léon en 1274-1275, le Rôle d’armes de l’ost de Ploërmel en 1294 pour Hervé V, et des prééminences dans un vitrail de l’abbatiale de Daoulas, posé entre 1502 et 1520.

Le lion morné a été interprété de diverses manières. Selon certains, il pourrait avoir été morné au XIIe siècle quand le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt (+ 1169) est venu à plusieurs reprises mater Guyomarc’h IV de Léon (+ 1179). Il s’agirait alors d’une marque d’infamie, un signe de soumission au roi d’Angleterre. Pour d’autres, un juveigneur de Flandre a épousé une héritière de la vicomté de Léon et adopté le lion de Flandre en le mornant. La réalité est sans doute tout autre. Dans l’Armorial Le Breton composé entre 1292 et 1294, on trouve une majorité de lions sans griffes ou sans langues. Le lion morné de Léon est plutôt une marque d’ancienneté. Ça n’est qu’au XIIIe siècle que les langues et les griffes commencent à apparaître sur les lions.

Le lion de Léon et le lion de Flandre


Sceau de Philippe d’Alsace, comte de Flandre, daté de 1162. Le lion a une langue

La ressemblance entre le lion de Léon et le lion de Flandre est frappante. Il existe effectivement un lien entre le Léon et la Flandre. Hervé II vicomte de Léon (+ 1169) a épousé une fille du roi d’Angleterre Etienne (+ 1154). Mathieu d’Alsace (+ 1173), second fils de Thierry d’Alsace, comte de Flandre, a également épousé une fille du même roi d’Angleterre. Hervé II de Léon était donc le beau-fils du roi d’Anglettre et le beau-frère d’un juveigneur de Flandre qui fut comte de Boulogne.

De 1135 à 1154, une guerre de sucession a opposé le roi Etienne à Mathilde, la fille du roi défunt Henri Ier (+ 1135). Hervé II de Léon s’est rendu en Angletterre pour soutenir son beau-père le roi Etienne. C’est finalement Henri II Plantagenêt, le fils de Mathilde qui a succédé au roi Etienne. Plus tard en Bretagne, Hervé II de Léon a continué de s’opposer à Henri II Plantagenêt. Mathieu d’Alsace, son beau-frère, en a fait autant. Il fut blessé à mort en 1173 en combattant Henri II Plantagenêt. Est-ce cette alliance entre Hervé II de Léon et Mathieu d’Alsace contre Henri II Plantagenêt qui a poussé le vicomte de Léon à prendre un écu inspiré de celui des comtes de Flandre ? On peut le suspecter sans pouvoir le prouver. Les armes de Philippe d’Alsace (+ 1191), comte de Flandre, frère aîné de Mathieu d’Alsace, sont connues depuis 1169. En tant que comte de Flandre, Philippe d’Alsace portait d’or au lion de sable armé et lampassé de gueules, un lion noir sur fond d’or ayant une langue rouge. Le lion de Flandre apparaît pour la première fois sur un sceau de Philippe d’Alsace en 1162.

Quant aux vicomtes de Léon, les plus anciens sceaux montrant un écu chargé d’un lion datent de 1274 et 1275. On ne dispose que d’un vers dans la Chanson d’Aiquin, rédigée entre 1170 et 1210, pour émettre l’hypothèse que les vicomtes de Léon avaient un lion pour emblème dès le XIIe siècle.


Contresceau d’Hervé IV de Léon daté de 1275. Le lion n’a pas de langue. Archives départementales de Loire Atlantique 10 Fi 931. Cliquer sur l’image pour agrandir.
Archives départementales de Loire-Atlantique / Archives numérisées / Sceaux / Léon (Hervé de)

Un blason plus ancien ?

Dans son Armorial breton paru en 1667, Guy Le Borgne attribue au vicomtes de Léon d’anciennes armes, « D’or à la fasce de gueules », une bande rouge sur fond blanc. Elles sont identiques à celle des Penhoat, l’une des plus anciennes seigneuries du Léon dont le château se trouve à Saint-Thégonnec près de Morlaix. Guy Le Borgne, bien qu’étant le meilleur héraldiste de son temps, s’est peut-être trompé. Il a peut-être trouvé une ressemblance entre le blason des Penhoat et celui des Léon de Tréverret qui sont établis à Pluguffan près de Quimper et portent « D’or à la fasce vivrée de gueules », une bande rouge en dents de scie sur fond jaune. Guy Le Borgne a également pu supposer qu’en raison de leur nom et de la ressemblance de leur blason avec celui des Penhoat, les Léon de Tréverret descendaient des vicomtes de Léon. A ce jour, aucun lien n’a pu être établi entre les Léon de Tréverret et les comtes de Léon. Les prétendues armes mythiques du Léon sont vraisemblablement le résultat d’une confusion tardive.

Un ou deux lions ?

En 1274 et 1275, les sceaux d’Hervé IV montrent un écu chargé d’un lion. En 1276, année du démantèlement de la vicomté de Léon, le sceau d’Hervé IV de Léon (+ vers 1290) montre un écu chargé de deux lions passants. Il est probable que c’est à cette date que le vicomte déchu, dépouillé de tous ses titres, a choisi un nouveau blason à deux lions. Quant à la branche cadette des seigneurs de Léon, si on n’a pas de certitudes sur leurs armes avant 1276, on sait que les familles descendant des seigneurs de Léon portent toutes « d’or au lion de sable » avec quelques ajouts ou modifications. C’est peut-être la branche cadette de Léon qui a relevé vers 1276, au temps d’Hervé IV, seigneur de Léon (+ vers 1290), les armes du dernier vicomte de Léon Hervé IV (+ vers 1298), devenu après 1276 « Hervé jadis visconte de Léon ».

Références

Guy Le Borgne. Armorial Breton. 1667. Réédition Librairie ancienne Serge Davy, 1998.

Paul-François Broucke. L’emblématique de la maison de Léon aux XIIe-XIVe siècles et les prééminences de Daoulas et La Roche-Maurice aux XVe-XVIe siècles. Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne. SHAB 2012, pp. 59-82.
http://shabretagne.com/scripts/files/5f46773e4f5c68.07713137/2012_03.pdf

Michel Froget et Michel Pressense. Armorial des communes du Finistère suivi d’une étude sur l’hermine bretonne. 2001.

Screenshot

Le lion du Léon est un lion morné, il n’a ni griffes ni langue

 
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