POURQUOI FAIRE le TROBREIZ ?
Un peu d’histoire
Au Moyen-Age, le tour de Bretagne ou Tro Breiz, désignait le pèlerinage en l’honneur des Sept Saints Fondateurs de la Bretagne. Le pèlerin allait s’incliner sur les tombeaux des évêques fondateurs : Brieuc et Malo dans leur ville, Samson à Dol-de-Bretagne, Patern à Vannes, Corentin à Quimper, Pol Aurélien à Saint-Pol-de-Léon et Tugdual à Tréguier.
Les anciens statuts du chapitre de la cathédrale de Rennes accordaient autant d’importance à ce pèlerinage qu’aux voyages de dévotion faits à Rome, Jérusalem ou Saint-Jacques de Compostelle.
Le Tro Breiz historique se faisait en un mois ou plus. Il n’est guère facile aujourd’hui d’accomplir d’une traite les 600 kilomètres du périple. Le pèlerinage a été relancé en 1994 par l’association « Les Chemins du Tro Breiz ». L’édition estivale, annuelle, mêle spiritualité, rencontres et partages, découverte du patrimoine, animations bretonnes.
« Pas un pèlerinage comme les autres »
Ce qui est certain c’est que le Tro Breiz n’est pas un pèlerinage comme les autres, il se singularise par son tracé circulaire. Le pèlerin du Tro Breiz n’a pas un lieu à gagner, mais une boucle à boucler. En reliant les villes fondées par les saints qu’il est venu honorer, il encercle un territoire pour le sacraliser. Par ce geste, il remonte le fil de l’histoire, tout en reflechissant à sa propre aventure, pour l’orienter parfois de manière décisive. À l’image de la pérégrination des moines fondateurs de la Bretagne, le Tro Breiz est pour lui un cheminement en quête du Paradis.
Au cours du pèlerinage, certains choisiront de faire une pause dans une chapelle, d’autres s’assembleront autour d’une croix de chemin. Pour d’autres encore, la paix intérieure qui s’installe au cours de la marche leur sera suffisante.
Un morceau de Tro Breiz, pour peu qu’il soit suffisamment long et qu’on ne passe pas son temps à courir, se transforme nécessairement en aventure spirituelle.
UNE MARCHE ASSOCIANT SPIRITUALITÉ, HISTOIRE ET PATRIMOINE
Marcher l’été, au ras de la nature, est devenu une des activités préférées des français. Six millions de français sont, paraît-il, adeptes de la marche. Presque chaque commune a son club de randonnée.
Depuis 1994, le Tro Breiz a anticipé sur cet engouement hexagonal, pour revisiter l’antique périple sacré, et l’adapter au rythme de la vie professionnelle des uns et des autres.
Mêlant spiritualité, patrimoine et culture, le Tro Breiz propose librement, à tous ceux qui le souhaitent, de rompre la monotonie d’un quotidien matériellement confortable, pour faire, le temps d’une semaine, l’expérience de l’inattendu.
Beauté de la nature et du patrimoine
Les chemins proposés déroulent un itinéraire magnifique alternant entre terre et mer font découvrir des sites et monuments méconnus entre églises, chapelles, calvaires, manoirs, châteaux, villages fleuris d’agapanthes et d’hortensias vigoureux …
« Ces mille chapelles
aux hauts clochers de dentelles
où la cloche chante et rit … »
« … Ces ‘Christ’ en granit gris
debout sur nos campagnes,
traçant à l’infini sur la terre bretonne
le geste immense et doux
qui console et pardonne. »
Théodore Botrel (1868-1925)
Les participants redonnent vie par leur présence à quantité d’églises et de chapelles.
Les unes modestes portent un nom qui dit leur passé, leur vie locale.
Les autres sont des joyaux d’ombre et de lumière où le cœur se perd dans l’émerveillement et la contemplation.
Souvent, à l’arrivée dans ces chapelles, des personnes du village ou du hameau alentour accueillent et parfois content l’histoire de leur lieu saint.
Heureuses de cette visite, elles décorent et fleurissent les autels. Alors, pour les remercier, les pèlerins font sonner les cloches pour dire leur joie. D’autres, spontanément chantent à la « Madone qui sourit et pardonne ». Pour ranimer la ferveur d’antan, et réchauffer les nefs trop souvent livrées à la solitude des lieux clos.
Dans ces humbles chapelles, les pèlerins du Tro Breiz, messagers d’espérance, essaient de dire les mots qui réveillent les cœurs et les campagnes. Et combien de statues polychromes sont proposées à l’admiration ? C’est avec un cœur d’enfant que les pèlerins les regardent et les prient en pensant à tous ceux qui les ont amoureusement sculptées ou humblement invoquées.
La foi de nos ancêtres est là sous nos yeux : simple, confiante, priante.
Qui sont les participants du Tro Breiz ?
Pour la grande majorité, ceux sont des hommes et des femmes impliqués dans leur communauté paroissiale, dans l’enseignement, des jeunes des lycées faisant partie de mouvement d’éducation spirituelle.
Mais un certain nombre viennent d’autres horizons : ils ont peu de pratique religieuse, certains mêmes se disent agnostiques, mais ils aiment l’esprit du Tro Breiz empreint de tolérance et d’ouverture à leur égard. Ils aiment marcher pour se refaire de l’intérieur. Ils apprécient la rencontre des autres tout simplement.
Le Tro Breiz, un moment de rencontres et de partage
Le chemin du Tro Breiz permet de tisser des relations en toute simplicité. On laisse de côté ses titres professionnels, ses grades. Chacun marche avec celui qui veut bien lui tenir compagnie un bout de route, et le dialogue s’installe, les liens se créent.
Au bout de la semaine on se salue fraternellement, on s’entraide, on s’écoute, on partage.
Et Dieu sait si on partage sur la route avec celui qui s’est fait l’ami d’un moment ! Personne ne repart comme il est arrivé, il emporte avec lui dans ses bagages, des visages, des tranches de vie, des anecdotes, et de l’énergie.
C’est fou l’énergie qu’ont en réserve les plus âgés ! Certains, qui frôlent les 80 ans, marchent avec un enthousiasme qui interpelle.
Mais où vont-ils puiser cette vitalité ? À les écouter, on comprend que leur vie de retraité est faite de rencontres et d’entraide, et sur le chemin du Tro Breiz ils ne s’arrêtent pas, ils continuent avec passion de remplir leur vie. Les mots « vacances », « repos » ont été gommés de leur vocabulaire.
Le Tro Breiz fait cheminer dans un certain dépouillement et dans la rudesse d’un effort tout relatif.
Le Tro Briez rappelle ainsi que la marche est le seul mode de déplacement pour beaucoup de peuples en errance. Le temps d‘une semaine il est donné de vivre en solidarité avec eux. Il rappelle aussi notre précarité d’hommes en transhumance vers la Cité éternelle. Certains pèlerins viennent de tous les coins de l’hexagone. Pour la publicité, le bouche à oreille fonctionne bien.
C’est dans la bonne humeur que l’on rechausse des pieds propres après le passage du Guildo.
Le Tro Breiz, une logistique bien rodée
Il est vrai que l’organisation du Tro Breiz est une merveille de logistique, et on ne peut en revenir que séduit !
Beauté du service
Service des repas, service des bagages, service de la sécurité sur les routes, service du verre d’eau, service de l’animation spirituelle …. Pour que le Tro Breiz soit une fête, des dizaines de personnes bénévoles acceptent d’accompagner les participants.
Les distributeurs d’eau et la petite laveuse des gobelets, installés au détour d’un sentier, offrent leurs bras et leurs mains pour désaltérer ceux et celles qui ont soif d’eau fraîche, la réserve du matin ayant tiédie dans le sac à dos !
Parmi les précieux services, la boutique itinérante que l’on appelle aussi « Le Point I » comme Information.
La sécurité, service capital
La sécurité est une priorité de chaque instant durant la marche. Les équipes de bénévoles sont particulièrement attentives.
Un sens de la responsabilité qui met chacun en sécurité le long des voies circulantes. Mais les itinéraires évitent le plus souvent ces voies routières. Ces dernières demandent à être parfois traversées. Et la Sécurité veille…
Sourire aux lèvres, gentillesse constante, les serres-file ne marchent pas, ils regardent marcher aux carrefours sous le soleil et font passer le défilé multicolore qui s’étire parfois sur plusieurs kilomètres !
Mais les itinéraires évitent le plus souvent ces voies routières. Ces dernières demandent à être parfois traversées. Et la Sécurité veille…
Les pèlerins du Tro Breiz sont très gâtés par tant de services. Ils n’ont qu’une chose à faire : marcher, persévérer et rester sereins quelles que soient les circonstances de la journée : pluie, chaleur, embouteillage aux commodités … L’esprit du Tro Breiz est là dans ce quotidien paisible et convivial où chacun se tient dans la bonne humeur et l’entraide.
Le service d’animation spirituelle proposé à qui veut, selon l’esprit du Tro Breiz
Et puis les animateurs spirituels, couchés tard, levés tôt, pour le service de la prière communautaire, accompagnent discrètement au fil des jours sans rien n’imposer, mais seulement proposer !
C’est ainsi que des laudes (prières du matin) sont proposées sur le chemin, peu après le départ.
Ces laudes se disent dans des lieux qui inspirent.
Des prêtres, des religieux et religieuses, les uns en tenue, signe visible de leur statut, les autres incognito en short, mais tous en chaussures de marche, font route côte à côte, avec les marcheurs.
Leur badge sur la poitrine indique qu’ils sont animateurs spirituels, et qu’ils sont à la disposition de ceux qui souhaitent un renseignement d’ordre spirituel.
Le Tro Breiz est un chemin de réflexion et d’écoute où on peut partager ses joies et ses souffrances, se faire expliquer pour ceux qui le souhaitent les symboles de la messe, de la prière eucharistique essentielle à la compréhension de « l’admirable échange » où Dieu se donne à nous par son Esprit, dans le pain partagé en nous demandant de devenir « ce que nous recevons ».
Confession en plein air, beauté de la simplicité spirituelle.
Beauté de la fête
Parfois, après le pique-nique, souvent le soir à chaque étape, un fest-noz rassemble dans la fête les personnes qui le veulent. Et la fatigue du jour s’envole dans les chants, les pas de deux, les rondes, et les gavottes.
Le renouveau de la culture populaire bretonne égaie ainsi les communes qui accueillent les pèlerins.
Les Kilomètres ne parviennent pas à avoir raison de la fatigue des infatigables danseurs de gavotte.
L’arrivée à la ville-cathédrale est toujours une grande fête
Lorsque le Tro Breiz parvient à la ville-cathédrale, au dernier jour de la semaine de marche, c’est une foule joyeuse qui traverse les rues, portant bannières, drapeaux ou petits saints.
Reprenant la coutume des pèlerinages d’autrefois, certains fleurissent leur chapeau, leurs cheveux, d’autres leur bâton de marche.
Le dernier jour est un jour très particulier. C’est une fête que chacun manifeste à sa façon. Beaucoup confectionnent sur le chemin une couronne de fleurs.
Notre-Dame du Tro Breiz, « la première en chemin »…
À l’entrée de la ville-cathédrale d’arrivée, les porteurs de bannières suivis des prêtres et des religieux, se rassemblent pour former cortège et c’est en chantant la foi de leurs ancêtres, « Da Feiz on Tadou Kozh », que les pèlerins entrent en procession dans la cathédrale, havre de fraîcheur bienfaisante.
Regroupement avant le départ de la procession vers la cathédrale
Accueil, silence, paix. « Dieu nous accueille en sa maison ». Lorsque la messe de clôture de l’étape du Tro Breiz commence, le chant unanime des pèlerins remplit les voûtes de la cathédrale : « Eürus an ini a garo Doué » Heureux celui qui aime Dieu !
Après ce temps de ressourcement auprès de Celui qui donne, à profusion son amour, chacun repart vers son pays, sa famille, gardant au fond de lui une mosaïque de choses qu’il va revivre de l’intérieur, tant il a fait moisson pendant une semaine !
LE TRACÉ DES CHEMINS DU TRO BREIZ
En 2023 et en 2024, le Tro Breiz rejoindra les évèchés de Rennes et de Nantes, exceptionnellement.
UN PÉRIPLE SACRÉ
Faire le pèlerinage des Sept Saints fondateurs de la Bretagne,
ce n’est pas seulement passer par 7 évêchés, c’est aussi suivre des itinéraires médiévaux, voire antiques.
C’est passer par des lieux, des sanctuaires où les pèlerins ont fait halte pendant des siècles. C’est marcher dans les pas des pèlerins des siècles passés.
De Saint-Pol-de-Léon à Tréguier, les pèlerins du Moyen-Âge suivaient vraisemblablement un itinéraire antique par Lanmeur, Plestin-les-Grèves et Lannion. Suivant la saison, le détour par Penzé et Morlaix est également possible.
De Tréguier à Saint-Brieuc, l’itinéraire médiéval pouvait suivre l’ancienne voie romaine par Pontrieux et Lanvollon. Un second itinéraire d’origine vraisemblablement antique peut également être envisagé par l’abbaye de Beauport en Paimpol, Plouézec, Lanloup et Notre-Dame de la Cour en Lantic. À l’époque romaine, ce dernier itinéraire rejoignait vraisemblablement l’agglomération gallo-romaine secondaire de la Ville Noro qui est située en Plélo à 12 km à l’ouest de Saint-Brieuc. Ignoré des auteurs anciens, le site archéologique de la Ville-Noro n’a été découvert qu’en 1975 à l’occasion de la mise en voie rapide de la RN12.
De Saint-Brieuc à Saint-Malo, l’itinéraire médiéval suit une voie vraisemblablement antique par Saint-Alban, Matignon et le Guildo. Un second itinéraire historique mérite également d’être signalé. Il passe par Lamballe et la Hunaudaye et a été suivi par la reine Anne au cours de son « Trobreiz » de 1505.
De Saint-Malo à Dol les pèlerins suivaient la voie côtière qui longe la Baie du Mont-Saint-Michel avant de passer par le Mont-Dol.
De Dol-de-Bretagne à Vannes, on pouvait suivre la voie romaine d’Avranches à Corseul qui passait près de Dol et franchissait la Rance au gué de Taden à 3 km au nord-est de Dinan. On pouvait ensuite poursuivre sur la voie romaine de Corseul à Vannes qui passait près de Laurenan, La Trinité-Porhoët et Josselin. Dès la fin de l’époque romaine, le gué de Taden était impraticable en raison de la montée du niveau de la mer. Le passage de la Rance devait s’effectuer à Dinan ou plus au nord à Port-Saint-Jean. Pour aller de Dol à Vannes, les pèlerins du Trobreiz devaient passer par Dinan, Trédias et Trémeur. En 1707, l’historien de la Bretagne Dom Lobineau en parle en ces termes : « En parlant du voïage des Sept Saints, autrefois fameux en Bretagne, & si usité, qu il y avoit mesme un chemin pavé destiné tout exprès, appelé pour cela le chemin des Sept Saints, dont j’ai veu des vestiges aux environs de Dinan ».
De Vannes à Quimper, l’itinéraire médiéval suit une voie romaine restée assez bien préservée jusqu’à nos jours. Elle passait par Sainte-Anne d’Auray, Brandérion, Inzinzac-Lochrist près de Hennebont, Pont-Scorff, Quimperlé, la Trinité en Melgven et Locmaria-an-Hent en Saint-Yvi. Entre Vannes et Hennebont, un itinéraire médiéval, peut-être antique, est également possible par Erdeven et sa chapelle des Sept Saints, le franchissement de la Rivière d’Étel s’effectuant au Vieux Passage en Belz. C’est en ce lieu qu’on peut situer un événement survenu vers 1322 au cours d’un Trobreiz. Le récit a été fait par les témoins n°226 et n°148 du procès de canonisation de saint Yves.
De Quimper à Saint-Pol-de-Léon, depuis le XIXe siècle, l’itinéraire habituellement suivi par les pèlerins du Trobreiz passe par Briec, Pleyben, les Monts d’Arrée et Commana. Il n’est pas certain que cet itinéraire était celui des pèlerins du Moyen-Âge. À l’avenir, les recherches sur les voies romaines et médiévales de Bretagne viendront peut-être apporter des éléments nouveaux qui permettront d’affiner la reconstitution de l’itinéraire historique du Trobreiz, notamment entre Quimper et Saint-Pol-de-Léon.