LES BLASONS DES PROVINCES HISTORIQUES DE BRETAGNE

Drapeau Cornouaille 1
 

Un grand territoire

Au Moyen-Âge, la Cornouaille était limitée au nord par l’Élorn et les Monts d’Arrée, et à l’est par l’Ellé qui passe par Quimperlé et près du Faouët. Au nord-est, elle allait jusqu’à l’Oust qui passe à quelques kilomètres de Loudéac et prend sa source à 8 km au sud-ouest de Quintin. À l’est des Monts d’Arrée, la limite nord suit une limite naturelle, la ligne de partage des eaux qui sépare les rivières qui coulent vers la Manche de celles qui coulent vers l’Atlantique. Au nord, d’ouest en est, la Cornouaille s’étendait sur plus de 100 km, dépassant à l’est la longitude d’Auray. Des Monts d’Arrée à Pont-Aven au sud, il y a près de 70 km.

carte cornouaille
Un héritage des Osismes

La Cornouaille correspond à la partie sud du territoire des Osismes, un peuple de l’âge du fer qui occupait l’extrémité occidentale de l’Armorique. Les Osismes pouvaient avoir pour « capitale » l’un des deux grands sites osismes connus à ce jour, le Camp d’Arthus à Huelgoat dans le Finistère, à 15 km a nord-ouest de Carhaix, ou Saint-Symphorien à Paule, dans les Côtes-d’Armor, à 11 km au sud-est de Carhaix. À l’époque gallo-romaine, le chef-lieu des Osismes est à Carhaix. Les connaissances archéologiques actuelles permettent d’affirmer que le territoire des Osismes s’étendait approximativement à l’ouest d’une ligne qui allait de Quimperlé à Saint-Brieuc, ce qui correspond aux anciens évêchés de Léon, Cornouaille, Tréguier et d’une partie de celui de Saint-Brieuc.

L’arrivée des Cornavii et des Dumnonii en Bretagne Armorique

À la fin du IIIe siècle, les invasions de pirates déstabilisent l’empire romain. À l’ouest, la défense des côtes a vraisemblablement été confiée aux Dumnonii et aux Cornovii, deux peuples de l’île de Bretagne. Les Dumnonii habitaient le Devon et une partie de la Cornouailles. Quant aux Cornovii, plusieurs tribus sont mentionnées dans les textes anciens, dans le nord de l’Écosse, dans les Midlands au centre de l’Angleterre, et aussi probablement en Cornouailles. Dans les sources anciennes on trouve différentes graphies, Cornavii, Cornabii ou Curnavii.

À la fin du IIIe siècle, il est probable que des Dumnonii se sont implantés en Bretagne Armorique pour assurer la défense de côtes nord alors que les Cornavii assuraient la défense au sud. Quand l’Empire romain s’effondre, on voit apparaître au nord de la Bretagne le « royaume » de Domnonée et au sud celui de Cornouaille. Avant le VIe siècle, ces royaumes ont pu englober pendant un temps des territoires qui s’étendaient des deux côtés de la Manche.

Vers le VIe siècle, la Domnonée et la Cornouaille s’organisent en diocèses. L’évêque Paul-Aurélien est qualifié de domnonéen dans un texte du IXe siècle (Vie de saint Paul Aurélien écrite par le moine Wrmonoc). Quant à la Cornouaille, on ignore tout des premiers temps de l’évếché. Lors du concile d’Angers qui s’est tenu en 453, sept évêques ont siégé, Eustochius de Tours, Leon de Bourges ou peut-être de Nantes, Victorius du Mans, Chariaton, Numorius, Viventius, et Talasius, l’évêque d’Angers nouvellement élu. Les sièges de Chariaton, Numorius et Viventius sont inconnus. L’évêque Leon est toujours nommé le premier dans les actes, peut-être parce qu’il vient de Bourges, une province étrangère. Chariation a été assimilé pour les uns à Corentin, évếque de Quimper, et pour d’autres à Careuc, évêque supposé d’Aleth. Il peut aussi être évêque de Rennes, Nantes ou Vannes. Au concile de Tours de 461, on a Eusebe de Nantes, Athenius de Rennes et Mansuetus évêque des Bretons. On ignore où siégeait Mansuetus.

De Cornavii à Kernev, Kerne et Cornouaille

Le nom Dumnonii a évolué pour devenir le nom français Domnonée. Le nom Cornivii a également évolué vers le français Cornouaille. En moyen breton on a le terme Querneau (cf. le Catholicon). En cornique on a Kernow.

Des Cornivii ont du s’installer dans le Léon autour de Plouguerneau (Ploekerneu vers 1330) et surtout en Cornouaille (Kernev en breton). Personne ne connait avec certitude l’origine du nom Cornovii. Il vient peut-être de la forme de la Cornouailles britannique, une péninsule qui a la forme d’une corne, les cornivii étant les habitants de la corne. Avec le temps, Cornivii s’est transformé en Cornwall (nom anglais), en Kernev (nom breton) et en Cornovia/Cornubia (nom latin qui a donné Cornouaille en français). Il s’agit d’une évolution classique qui suit les règles de la linguistique.

Le comté de Cornouaille

La Cornouaille est mentionnée pour la première fois au IXe siècle quand l’évêque de Quimper Anaweten est qualifié de Cornugallensis. Gradlon Meur est un roi légendaire de Cornouaille. Il aurait vécu vers le VIe siècle, au temps de saint Gwenole, le fondateur de l’abbaye de Landévennec. La vie longue de saint Gwenole écrite vers 870 par Wrdisten, abbé de Landévennec, fait de Gradlon à la fois un roi de Bretagne « Britanniae tenebat sceptrum » et un roi de Cornouaille « Cornubiensium rex ». Cette contradiction semble indiquer que Wrdisten assimile toute la Bretagne à la Cornouaille. De la même façon, l’évêque Mansuetus, appelé évếque des Bretons en 461, était peut-être évếque de Cornouaille, la Cornouaille représentant l’ensemble des Bretons au concile de Tours de 461.

On connaît également Gradlon Flam qui avait peut-être une résidence à Locronan, et Gradlon Plonéour, peut-être de Ploénour-Lanvern. Ces Gradlon sont qualifiés de « consul », terme assimilable à comte. Budic est le premier comte de Cornouaille dont l’existence est attestée. Il est mort au début du XIe siècle. En 1058, c’est Hoël qui devient comte de Cornouaille. Il est aussi comte de Nantes par sa mère. Ayant épousé la fille du duc Alain III de Bretagne, il succède à Conan II, le fils d’Alain III, et devient duc de Bretagne en 1066 sous le nom Hoël II. Le duc Hoël réside à Quimper, Auray et Nantes. Le comté de Rennes échappe à son autorité et reste sous le contrôle d’un des fils d’Alain III.

Le blason de Cornouaille, un croissant de lune, un boeuf, un cerf ou un mouton ?

Un denier du duc de Bretagne Hoël II montre 4 croissants, ce qui peut laisser supposer que les comtes de Cornouaille ont eu un croissant dans leur blason. C’est une supposition très hypothétique. En 2014, J.-P. Colignon écrit également dans « Curiosités, jeux et énigmes de la Bretagne » que les armes de Cornouaille (Kerne ou Kernev en breton) sont basées sur un jeu de mot associant le breton kern/korn, « cornes », et knev/kneau « toison de brebis ».

denier hoel II

Denier aux 4 croissants du duc Hoël II

Si elle est plaisante, cette association entre les mots bretons kerne, kern et knev est pour le moins hasardeuse. La véritable histoire est très différente. En 1696, le roi Louis XIV a demandé d’établir un recueil des armoiries du royaume. La ville de Quimper a fait enregistrer un blason représentant un bélier sur fond bleu et des hermines au-dessus. Le problème c’est qu’en 1318, la cour ducale de Quimper utilisait une tête de boeuf. Dans l’armorial de L’Argentaye (vers 1500) l’évêque de Quimper blasonne « de gueule au mouton d’argent », un mouton sur fond rouge. Dans l’armorial de Guy Le Borgne de 1667, la ville de Quimper a pour armes « De gueule au cerf passant d’or, au chef d’azur semé de France », un cerf sur fond rouge et dans la partie supérieure du blason, des fleurs de lys sur fond bleu. La ville de Quimper a sans doute créé un nouveau blason en 1696. Elle a du remplacer les fleurs de lys par des hermines. Elle a peut-être confondu un cerf avec un mouton en examinant d’anciens sceaux. Elle a aussi pu adopter volontairement le mouton d’un évêque de Quimper.
blason quimper 1696

Blason de 1696 © Archives municipales de Quimper

Ainsi, depuis le XVIIe siècle, la ville de Quimper blasonne « D’azur au bélier passant d’argent accorné et onglé d’or, au chef d’hermine ». Le bélier est devenu le symbole de la Cornouaille. On le retrouve sur les façades des bâtiments municipaux. On le retrouve aussi sur la façade de l’ossuaire de Douaumont. Les villes, régions et pays qui ont participé au financement de l’édifice y ont fait graver leurs blasons. Le blason de la ville de Quimper y a été gravé dans la pierre.
blason quimper douaumont

Blason de Quimper sur l’ossuaire de Douaumont

Quant au département du Finistère, depuis 1975, il blasonne « D’or au lion morné et contourné de sable, et d’azur au bélier saillant d’argent onglé et accorné d’or, les deux animaux affrontés ; au chef d’argent chargé de cinq mouchetures d’hermine rangées en fasce ». Le bélier de Cornouaille se tient debout pour pouvoir faire face au lion du Léon.

blason finistere 1975
Références

Carte des anciens évếchés de Bretagne. Pitre Chevalier. 1844
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d9/Ev%C3%AAch%C3%A9s_bretons_Pitre-Chevalier.jpg.

Histoide des conciles tome TOME II Deuxième partie. Dom H. Leclercq. Paris 1908
http://catholicapedia.net/Documents/Hefele_Charles-Joseph/Mgr-Charles-Joseph-Hefele_Histoire-des-Conciles_Tome-2-2.pdf.

Bernard Merdrignac. Présence et représentations de la Domnonée et de la Cornouaille de part et d’autre de la Manche. D’après les Vies de saints et les listes généalogiques médiévales.
https://journals.openedition.org/abpo/1842.

Monnaie au 4 croissants du duc de Bretagne Hoel II
http://monnaiesfeodalesdebretagne.blogspot.com/2013/10/hoel-1031-13-avril-1084.html

Le blason de la ville de Quimper
https://www.quimper.bzh/1116-le-blason-de-la-ville-de-quimper.htm

Décoration héraldique de l’ossuaire de Douaumont
https://planete.heraldique.net/safari/decoration-heraldique-de-lossuaire-de-douaumont/

belier quimper
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